Le Fa l’ancêtre primordial de toute chose ?

Et si le Fa (ou Ifa) ne s’arrêtait pas à la simple consultation ou initiation ?

Et s’il représentait l’ancêtre primordial de toute chose ?

1. Définition et rôle du Fa / Ifa

Traditionnellement, le Fa (en langue fon) ou Ifa (en langue yoruba) est défini comme un système divinatoire et spirituel qui éclaire, guide et révèle les réponses aux questions existentielles.
Selon Mahugnon Kakpo, dans Une introduction à la poétique du Fa, le Fa peut être vu comme :

« Un système hypertexte, un vaste réseau d’information, constitué de domaines de ressources documentaires appelés Du et disposé en parallèle dans la tête d’un individu appelé babalawo (en yoruba) ou bokonon (en fon). »

• Babalawo (père du mystère en yoruba) : prêtre initié et dépositaire du savoir d’Ifa.
• Bokonon : équivalent fon du babalawo.
• Du ou Odu : corpus de signes ou figures divinatoires qui contiennent les enseignements et lois universelles.

Le Fa s’exprime à travers ces Odu, et les hommes y accèdent par consultation ou initiation, suivies souvent d’offrandes expiatoires appelées en fon Adra (sacrifices visant à rétablir l’harmonie entre l’homme et les forces spirituelles).

Qu’est-ce qu’un Odu ?

Un Odu ou Du en fon est une figure ou un signe du système Fa / Ifa.
Il en existe 256 au total dont :

• 16 Odu majeurs (Meji)
• chacun se combinant avec les autres pour donner 240 Odu mineurs.

Chaque Odu est un code qui contient :

• une structure symbolique (traits ouverts et fermés),
• un ensemble de récits, proverbes, lois et prescriptions,
• des correspondances avec des forces divines (Vodoun) et des archétypes universels.

La structure graphique d’un Odu est constituée de colonnes de traits :

• trait plein (|): symbole d’unité, force active
• trait coupé (‖): symbole de dualité, force réceptive

Ces traits peuvent être vus comme 1 et 0 dans l’informatique moderne.

• Trait plein= 1
• Trait coupé= 0

Chaque Odu majeur est formé de deux colonnes de quatre traits chacune, ce qui donne 8 bits d’information — exactement comme un octet en informatique.

2. Origine cosmologique du Fa

On dit généralement que le Fa est lié au Vodoun. Mais comment ?
Dans la tradition yoruba, il est rapporté qu’au commencement existaient Olodumare et Ifa — ce qui correspond, dans la tradition fon, à Mawu-Lisa (source primordiale) et Fa (omniscience de cette source).

• Mawu-Lisa : divinité suprême, force créatrice et unificatrice.
• Fa / Ifa : manifestation de l’omniscience divine, la connaissance absolue.

Ainsi, le Fa serait le principe révélateur qui dévoile chaque divinité (Vodoun) avec ses lois et ses attributs à travers les Odu.

3. Les Vodoun et les Odu : vibrations primordiales

Dans ce contexte, les Vodoun ne sont pas simplement des entités, mais des vibrations primordiales émanant de la source, structurées par le Fa via les Odu.

Parmi les Odu majeurs (ou Meji), on retrouve :
Gbé-meji, Mèku-meji, Woli-meji, Di-meji, Losso-meji, Wlin-meji, Abla-meji, Aklan-meji, Guda-meji, Sa-meji, Ka-meji, Trukpin-meji, Tula-meji, Lètè-meji, Cè-meji et Fu-meji. Chaque Odu est porteur d’un ensemble de principes, lois universelles et archétypes divins.

4. Exemple : le signe Gbé-meji

Le premier signe de Ifa, Gbé-meji, est souvent associé au principe de l’alignement.
On peut l’interpréter comme la manifestation de la lumière de la Source vers l’extérieur — un mouvement sans opposition au sein de la création.

Ce principe signifie que chaque particule ou être manifeste un alignement entre :

• sa croissance spirituelle, et
• son destin (raison d’existence).

Certains Vodoun dont les attributs renvoient à ce signe sont :

• Lisa : Représente la lumière pure, principe d’illumination et de clarté absolue.
  Sur le plan scientifique, la lumière est véhiculée par des photons, particules élémentaires. Ces photons ne se contentent pas d’éclairer : ils transportent l’information et interagissent avec toute matière et toute énergie présentes dans le cosmos. Ainsi, la symbolique de Lisa rejoint l’idée que la lumière est un langage universel, reliant les différentes formes de vie et orchestrant les équilibres cosmiques. C’est dans ce ordre qu’il est nommé « Ayihon non », pour traduire l’énergie qui règlement le cosmos.
• Xevioso : Incarnation de l’électricité et de la foudre, forces à la fois créatrices et destructrices. Sur le plan physique, l’électricité est le résultat du mouvement et de l’interaction des électrons au sein du champ électromagnétique. Ce phénomène, qui anime les orages célestes et donne naissance à la foudre, est aussi à la base du fonctionnement biologique des êtres vivants, de la contraction musculaire aux impulsions nerveuses. Xevioso devient ainsi l’image du souffle électromagnétique de la vie, un courant invisible qui traverse la matière pour l’animer.

Le signe gbé-meji illustre le rôle spécifique attribué à chaque divinité par le principe qu’il incarne. Chaque signe fa transmet des renseignements particuliers en fonction de sa représentation symbolique.

Le Fa ou Ifa n’est pas seulement un outil divinatoire. Il est un système cosmique d’organisation et de révélation des lois de l’univers, reliant la Source primordiale à toutes les manifestations de la création. Les Odu constituent la trame vibratoire de cette connaissance, et chaque Vodoun en est une expression particulière.