L’Homme : gardien de la vie, de la mémoire et de la transmission

1. L’homme comme porteur de vie

Chez les Fon, l’homme se définit par le terme Gbèto, littéralement « celui qui a la vie » ou encore « le possesseur de la vie ». Ce concept fondamental place la vie — non pas comme une simple existence biologique — mais comme un principe sacré à cultiver, à protéger, à faire croître.

Dans cette optique, l’ensemble des pratiques religieuses vodoun vise à intensifier et à honorer la vie, à prolonger son souffle au-delà de la mort, dans un mouvement cyclique de régénération. La vie n’est donc pas seulement individuelle, mais aussi collective, enracinée dans un système spirituel et social qui transcende le présent.

2. Le clan et la famille : structures de la continuité

La vie de l’homme Fon prend forme au sein d’une grande famille élargie, appelée le Hênnu ou encore l’Akó.

  • L’Akó désigne tous ceux qui se réclament d’un ancêtre commun, qu’il soit réel ou mythique. On peut le rapprocher du clan, c’est-à-dire une communauté lignagère dotée d’un héritage spirituel commun.
  • Le Hênnu, quant à lui, est la manifestation concrète, historique et visible de cet héritage. Il représente la présence temporelle de l’Akó dans la vie quotidienne.

Ainsi, le Hênnu repose sur un lien de sang, tandis que l’Akó constitue une réalité plus profonde : une alliance idéologique et mystique, où l’esprit des ancêtres fonde la légitimité du groupe. Le Akó incarne ainsi une entité qui peut etre invoquée à travers le panégyrique.

Exemple : Extrait panégyrique clanique des Hwεgbonù ou Sadonù(Traduction)

Hwεgbo, originaire de Géyͻ

Originaire de Alada-Tado

L’on ne se rend pas à Sado volontairement

Les larmes inondent les yeux

Sado, spécialiste de l’arrachement de pagne

Toi qui offres brutalement un cadeau

Et qui arraches brutalement le cadeau

Fille/fils de la panthère semblable à la panthère

L’enfant de la panthère, un fils souple mais il a les os durs

3. Les morts, gardiens du vivant

Dans la cosmologie Fon, la mort (ku) n’est pas une fin, mais un passage, un défi ultime lancé à la vie. Lorsqu’un membre du Hênnu quitte ce monde, on dit qu’il est passé « de l’autre côté du mur », vers une réalité invisible, mais toujours active.
Ces morts deviennent des Vodoun, c’est-à-dire des forces spirituelles chargées de veiller sur les vivants, en particulier sur leurs propres descendants. On parle dans ce cas des Toxwyo qui sont à titre d’exemple célébré à travers le culte des egungun.

Ainsi, la relation entre les vivants et les morts est dynamique, empreinte de continuité. Le décès d’un aîné n’est pas une rupture, mais une transformation en puissance d’engendrement, en « jòtò » – de (jò) « engendrer » et (tò) « celui qui » –, autrement dit celui qui engendre même dans la mort.

4. La mort, passage vers une autre forme d’existence

La sortie de ce monde est exprimée de façon symbolique : « quitter le marché de la vie » pour retourner « à l’enclos parental originel », invisible mais toujours présent. C’est alors l’enfant, le descendant, qui prolonge le défunt et devient sa victoire sur la mort physique.

Dans cette vision, l’homme devient pleinement une créature post-mortem : il a été engendré, il engendre à son tour, et perpétue ainsi l’arc sacré de la création. La vie, dans cette perspective, est un processus lent et sacré d’engendrement, jalonné par des étapes spirituelles fondamentales.

5. Le Fa : révélateur de l’identité et des cycles de vie

Ce chemin d’engendrement est accompagné par le Fa, art divinatoire majeur chez les Fon, qui joue un rôle central dans l’identification et la révélation des « noms » de l’homme à chaque phase essentielle de sa vie.

Ces initiations se déclinent en plusieurs étapes :

  • Adògo-Fa : le Fa de la grossesse, qui prépare l’âme à venir,
  • Fakwiwe : le Fa de l’enfance, qui éclaire le destin initial,
  • Fasisé : le Fa de l’adolescence, révélant les forces et épreuves à venir,
  • Fa-tité : le Fa de l’âge adulte, qui guide dans les responsabilités majeures.

Chaque Fa inscrit l’individu dans une cartographie spirituelle évolutive, rattachée aux ancêtres, aux Vodoun, au clan et aux cycles cosmiques.

 

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